HAUTS-DE-FRANCE : VOUS AVEZ DIT MÉTHANISEURS ?

Dans les Hauts de France, les Ami.e.s se mobilisent essentiellement contre Tropicalia, un projet de serre tropicale dans le Pas de Calais (!) et sur les questions liées à la méthanisation, mais aussi aux fermes-usines. N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez les rencontrer !

Le développement de la méthanisation agricole est encouragé et soutenu depuis des années
par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation au travers du plan « Énergie Méthanisation Autonomie Azote » lancé en 2013 2 , qui visait la création de 1000 installations de méthanisation agricole en 2020 en France. La méthanisation est souvent présentée comme une nouvelle manière de développer les énergies renouvelables et comme une solution écologiquement pérenne.
Dans le rapport « État des lieux des projets d’injection de bio-méthane bénéficiant d’un récépissé d’identification ADEME (période de 2012 à novembre 2020) », une carte met en évidence un plus grand nombre de projets d’injection de biométhane identifiés.
Dans la région des Hauts-de-France, ils poussent comme des champignons ! Avec une forte implication des acteurs régionaux sous l’impulsion du président : Xavier Bertrand.
Dès 2016, signature du manifeste pour une ambition économique partagée visant à « faire de la région Hauts-de-France la première région européenne d’injection du biométhane », suivi en 2017 du manifeste pour le développement du Gaz Naturel Véhicules et du bioGNV dans la région des Hauts-de-France.


La Bretagne voit surtout défiler des dossiers pour des méthaniseurs adossés à des élevages industriels allant jusqu’à 40 000 cochons. « Ces exploitations incorporent dans leur méthaniseur du maïs subventionné par la Politique agricole commune, et bénéficient aussi du tarif de rachat d’énergie. Elles sont payées deux fois ! On garantit ainsi la pérennité d’élevages à bout de souffle. »

Panorama des unités de méthanisation agricoles en Hauts-de-France (juin 2020)
► Unités en fonctionnement : 54
► Unités en construction : 27
► Projets potentiels : ≈ 155 (dont 150 en injection de biométhane)

Nous pouvons analyser l’expérience de nos voisins : l’Allemagne a soutenu le développement de la méthanisation au début des années 2000 mais fait machine arrière. Il existe à ce jour 10 400 sites alimentés par des cultures dédiées (près de 900 000 ha), et pour atteindre un haut niveau de développement du biogaz, l’Allemagne a dû promouvoir la culture du maïs, plante énergétique.


Les agriculteurs ont répondu à l’incitation au-delà des espérances et la méthanisation leur a permis d’assurer bien plus qu’un complément de revenu. Mais ils ont rapidement été concurrencés par les gros investisseurs qui ont vu une manne dans la production de biogaz. Les sociétés agro-industrielles ont accaparé les terres au détriment des agriculteurs tandis que la monoculture, de maïs essentiellement, a conduit au changement d’affectation des sols et encouragé une agriculture productiviste au préjudice des équilibres écologiques et de la biodiversité.

PLUSIEURS POINTS D’ATTENTION :

► Dans les Hauts-de-France, beaucoup d’unités dépassent déjà les seuls apports d’une ferme et sont portées par des sociétés d’agriculteurs, alliées parfois à des sociétés de production de gaz. Outre les investissements importants, il faut pouvoir honorer les contrats et donc alimenter en permanence les cuves.
Les contrats signés avec GRDF le sont pour 15 ans et le prix de rachat 4 à 5 fois plus élevé que le gaz naturel, assurant un revenu aux agriculteurs !
► Cependant le développement accru de la filière entraînera obligatoirement une guerre des intrants, le recours systématique aux cultures dédiées et aux CIVE (Cultures Intermédiaires à
Valorisation Énergétique) et probablement l’augmentation des élevages intensifs.
Il y aura donc une course aux intrants. Le prix à l’hectare est en perpétuelle augmentation ; il en sera de même pour les fermages, les fourrages et l’alimentation en général. Aucune
possibilité pour le développement de la paysannerie, les terres étant massacrées et hors budget, sans oublier la disparition des pâturages.


► Partout en France et en particulier dans la région des Hauts-de-France, de nombreux groupes de citoyens consomm’acteurs s’opposent à ces projets d’installation. Ils sont fédérés par 3 collectifs nationaux :
• le CNVM – Collectif National Vigilance Méthanisation www.cnvm.site
• le CNVMch – Collectif National Vigilance Méthanisation canal historique www.cnvmch.fr
• le CSNM – Collectif Scientifique National Méthanisation raisonnée csnmraison@gmail.com

Une association se fait par ailleurs connaître par son dynamisme et son implication régionale et nationale : Non à la méthanisation à Bailleul. Elle a par ailleurs déposé plainte à l’encontre de Biogaz Liévin, pour pollution grave lors de l’accident récent de Volckerinckhove. À ce jour en
France, environ 270 accidents sur 167 sites sont recensés ou déclarés au BARPI (le Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industriels). Il va sans dire que bon nombre ne font l’objet d’aucune déclaration.

MÉTHANISATION / ALIMENTATION… QUEL RAPPORT ?

Nous nous engageons pour le développement d’une agriculture paysanne parce que nous
sommes convaincus qu’elle peut assurer pour chacun une alimentation de qualité en permettant à ceux qui la produisent d’avoir une rémunération et une vie correctes. Pour la protection de l’environnement et une reconquête de la biodiversité.
La méthanisation et son développement incontrôlé réorientent le métier de paysan vers celui de producteur de biométhane. En tant que citoyens et consom’acteurs, nous constatons que la méthanisation favorise les élevages intensifs que nous combattons, et dévie la terre de sa fonction originelle : nourrir !


La Confédération paysanne a édité un document pouvant aider à interroger les élu.e.s et futur.e.s élu.e.s avec ces principes de base :
► la méthanisation doit participer prioritairement à un objectif d’autonomie énergétique de la ferme et doit s’inscrire dans une démarche d’économie d’énergies.
► la méthanisation doit être adaptée et dimensionnée à la ferme et à la quantité de déchets « vrais » (ceux pour lesquels on ne connaît pas de meilleure source de valorisation) produits à la
ferme ou dans un rayon très proche.
► les apports de matières végétales dans les méthaniseurs doivent être drastiquement limités. Toutes les matières végétales doivent être prises en compte (principales ou non) y compris les prairies.
► des contrôles sur les approvisionnements des méthaniseurs doivent absolument être réalisés sur le terrain.
► la méthanisation ne doit pas favoriser la dépendance des paysan.ne.s à des financeurs extérieurs et ne doit pas se faire au détriment de l’autonomie financière et économique de la ferme. (D’après une synthèse de l’OFATE, la réduction significative des subventions qui assuraient la rentabilité des installations et la durée de vie limitée de celles-ci devraient entraîner, selon le scénario de référence, la mise à l’arrêt des unités existantes et la disparition progressive du parc d’installations de biogaz en Allemagne d’ici 2035.)


Ainsi, les fonds publics destinés à soutenir l’agriculture ne doivent pas être utilisés pour
subventionner la méthanisation. Pour les autres subventions, elles doivent être dégressives
et plafonnées afin de limiter le soutien aux installations de taille importante. La méthanisation ne doit pas favoriser un modèle d’agriculture hors-sol, producteur délibéré de déchets
et qui pourrait mettre en péril la souveraineté alimentaire.

« Renchérissement du foncier, investissements importants sur les fermes qui risquent de figer les systèmes, concurrence
entre cultures alimentaires et énergétiques, gestion des digestats et risques accidentels sanitaires et environnementaux, notamment au cours des phases d’exploitation et de maintenance. Trop de végétaux qui ne sont pas des déchets alimentent les méthaniseurs,
au détriment de la souveraineté alimentaire et de la solidarité entre paysans. Il est temps
de faire le bilan ».

La Confédération paysanne, lors de sa conférence de presse de janvier 2021, a demandé un moratoire sur les projets de développement des installations en
méthanisation.