ÎLE-DE-FRANCE : PRÉSERVER LE FONCIER AGRICOLE POUR SE NOURRIR

Marchés paysans, soutien à la Conf’ locale, Semaine de l’agriculture paysanne dans les grandes écoles et universités, mobilisation contre les grands projets inutiles et imposés (Europacity par exemple), l’artificialisation des terres et les enjeux liés au foncier, rando-vélos et visites de fermes… l’engagement des Ami.e.s de la Conf’ d’Ile-de-France, fort de ses 3 référents locaux, est multiple ! N’hésitez pas à nous contacter pour être mis en lien. Leur page facebook.

Ci-dessous un article publié à l’occasion des élections régionales de 2021 : « préserver le foncier agricole pour se nourrir »

UNE FORTE PRESSION SUR LES TERRES AGRICOLES

Ayant en partie fondé sa richesse sur les terres très fertiles du bassin parisien, l’Île-de-France (IdF) est une région encore fortement agricole, la SAU (Surface Agricole Utile) représentant 47% de son territoire (2% de la SAU française).
L’IdF, très spécialisée dans de grandes cultures en majorité vouées à l’exportation et comptant 5000 exploitations d’une taille moyenne de 110 ha (63 ha pour la moyenne française), est très loin d’assurer l’autonomie alimentaire de ses 12,2 millions d’habitants. Région la plus peuplée de France, la pression foncière sur les espaces agricoles franciliens est aujourd’hui extrêmement forte avec la disparition de 1900 hectares par an entre 1990 et 2010. La pression vient de l’urbanisation et du déploiement de grands projets d’aménagement, comme ceux du Grand Paris. L’augmentation constante des prix incite à la spéculation.

La très faible mise sur le marché des fermes à vendre, la faible transmissibilité des fermes du
fait de leur taille et du fonctionnement capitalistique associé, le prix du foncier agricole (environ 8000 euros / ha en moyenne en Île-de-France) et la logique de captation des aides PAC à l’hectare et de concentration des terres, rendent très difficile l’accès au foncier pour les candidats à l’installation, que ce soit à l’achat ou à la location.

L’AGRICULTURE, PLUS PETIT BUDGET DE LA RÉGION

Après un début de mandat peu actif sur les questions agricoles et alimentaires, l’équipe régionale en place depuis 2016 (sous présidence de Valérie Pécresse, alors affiliée aux Ré-
publicains) a adopté un Pacte agricole en 2018 et un Plan régional pour une alimentation
locale, durable et solidaire en 2021
, imprégné de la crise de la Covid.

Le budget associé directement à l’agriculture est faible : sur les 5 milliards de budget annuel de la Région, moins de 1% est consacré à l’agriculture et à la ruralité, même s’il est en augmentation constante. Le budget du Pacte agricole est de 150 millions d’euros sur la période 2018-2022.


Les cinq axes du Pacte identifient d’importants enjeux :
1 Préserver les terres et lutter contre le mitage ;
2 Soutenir l’installation des jeunes agriculteurs ;
3 Aider à la diversification ;
4 Accompagner la transition écologique et énergétique ;
5 Favoriser le « mangeons francilien »


Le premier axe concerne le foncier, indispensable si l’on veut manger local, ce qui est recherché par les Franciliens et fait l’objet du premier défi « produire en Île-de-France » du Plan régional pour l’alimentation. Ce plan, doté d’1 milliard d’euros programmés sur 2021-
2030, vise à plus de souveraineté alimentaire sur le territoire régional.

FACE À L’ÉTALEMENT URBAIN, DES OUTILS LIMITÉS POUR PRÉSERVER LE FONCIER AGRICOLE

La Région est nécessairement en porte-à-faux sur la préservation du foncier agricole puisque son but est d’accompagner sa croissance. Cela passe notamment par l’aménagement et le désenclavement de territoires par la construction de lignes et gares, le secteur des transports constituant le premier budget de la Région (plus du tiers du budget global). Ces aménagements provoquent un risque d’étalement urbain, le modèle de la maison individuelle avec un accès à tous services et aménités restant un des rêves des citadins, et donc de grignotage d’espaces non construits.
On pense aux discussions sur le projet de gare du triangle de Gonesse (ligne 17), qui devait desservir Europacity, mégaprojet inutile abandonné en 2019, ou bien à la ligne 18 qui doit desservir le campus universitaire et scientifique en construction sur les terres très fertiles du plateau de Saclay. Dans le SDRIF – Schéma directeur régional de l’Ile-de-France (adopté en 2013 qui correspond au SRADDET francilien), la trajectoire d’aménagement à 2030 mènerait à une perte d’environ 10% d’espaces agricoles et boisés.
Cependant, la Région affiche des objectifs constants de lutte contre l’artificialisation des terres agricoles et certains cadres protecteurs des espaces agricoles existent. Quels outils proactifs sont-ils mis en place ?


Le Conseil régional actuel met en avant la création d’un fonds de portage foncier « Île-de-
France, terre d’installation »
en 2019, auprès de la SAFER IdF et copiloté par l’Agence des Espaces verts (AEV). Ce fonds doit permettre de mettre en réserve des biens agricoles, par une acquisition temporaire d’une durée de 2 ans (prorogation possible jusqu’à 5 ans), dans l’attente de l’identification d’un candidat prêt à s’installer.


L’AEV est une particularité de l’Île-de-France. Dans le cadre de Périmètres régionaux d’intervention foncière (PRIF), elle est autorisée à acquérir des espaces naturels, agricoles, ou des milieux dégradés à réhabiliter, à l’amiable, par voie de préemption, ou dans certains cas, par expropriation. Sur 40 000 hectares répartis dans 55 PRIF, près de 15 000 sont acquis et gérés par l’AEV pour le compte de la Région dont 16% pour des espaces agricoles (2300 ha).

Par ailleurs, la Région affiche pour 2020-2030 l’objectif ambitieux de « zéro artificialisation nette» (ZAN). Un des outils mis en avant pour cela est la requalification des friches, qui doit passer notamment par le renforcement du plan friches (20 millions d’euros), et la désartificialisation des sols.


L’objectif est louable – quoi qu’on soutiendrait plutôt un objectif de zéro artificialisation en valeur absolue – mais le plan friches paraît à première vue assez anecdotique pour permettre de maintenir les surfaces agricoles disponibles. En tout état de cause, une densification et une optimisation de l’espace dans les zones urbaines, construisant la ville sur elle-même, sont indispensables pour préserver les terres agricoles.

QUELQUES PERSPECTIVES : OPTIMISER LES OUTILS EXISTANTS ET S’ENGAGER SUR LA TRANSMISSION

Pour aller plus loin, il faudrait suivre les résultats du fonds de portage foncier et quels moyens
se donne la Région pour atteindre cet objectif de ZAN.
Sur le foncier, on peut relayer ici quelques recommandations de « 5 axes pour le développement de l’agroécologie en Île-de-France », plaidoyer de Terre de Liens Île-de-France, Réseau des AMAP en Île-de-France, Les Champs des possibles et Abiosol pour les élections régionales, notamment la revitalisation de l’engagement de l’AEV sur les PRIF et surtout de sa politique d’acquisition des terres agricoles en augmentant les crédits de l’AEV d’au moins 13 % (baisse moyenne de sa subvention depuis 2016). Une autre recommandation est de favoriser les accès collectifs au foncier agricole, en cofinançant des actions citoyennes (par exemple via TdL), en appuyant les communes dans ce type de démarches, ou en soutenant les initiatives collectives de porteurs de projets pour la création de GFA (Groupements Fonciers Agricoles), proches des SCI (Sociétés civiles immobilières).


Enfin, vu la difficulté à trouver des terres à cultiver, un travail énorme est à faire du côté de la
transmission des fermes pour qu’il y ait plus de fluidité dans le marché foncier agricole, que les grandes parcelles soient divisées et permettent l’installation de plusieurs paysan.ne.s, et pour éviter la rétention et la spéculation foncières. La transmission étant le parent pauvre des politiques publiques en matière agricole, nous soutenons fortement le plaidoyer intitulé «Renouveler les actifs agricoles en transmettant les exploitations », publié en mars 2021 par le réseau de promotion de l’agriculture paysanne InPACT, à destination des conseils régionaux.