Lors des Semaines de l’agriculture paysanne, plusieurs écoles se sont particulièrement intéressées à la question de l’articifialisation des sols et à la bétonisation du Plateau de Saclay. Et pour cause ! Le site estudiantin de Grignon risque fort d’être prochainement déplacé sur le Plateau de Saclay, éloignant un peu plus étudiants et citoyens des paysan.ne.s et des terres agricoles. Les Ami.e.s de la Conf’ ont voulu en savoir plus sur cette mobilisation et appellent à un soutien fort !
C’est maintenant que ça se passe!
Nous vous proposons une petite plongée dans l’univers de Grignon à la rencontre des étudiants mobilisés, grâce à plusieurs témoignages d’étudiants recueillis ci-dessous.
Premier témoignage, par le Pôle com’ du blocus de Grignon
01.4.2021
– Pouvez-vous expliquer ce que représente le site de Grignon ?
Le site de Grignon est avant tout un lieu historique ; il a une forte valeur patrimoniale avec des bâtiments tels que le château de style louis XIII, bâti en 1636, les pavillons qui lui sont associés, les anciens laboratoires, l’ancienne bergerie construite en 1826 qui abrite aujourd’hui la Société Hippique de Grignon… C’est aussi depuis 200 ans un lieu de formation pour les ingénieurs en agronomie : des figures majeures de l’agronomie française comme René Dubos ou René Dumont y ont étudié. Aujourd’hui c’est le lieu de résidence et d’étude des 300 élèves de première année à AgroParisTech. Le domaine, avec son parc de 290 ha, et la ferme expérimentale, dont un grand espace de terres cultivées sont dans l’enceinte du site, donnent aux étudiants et aux chercheurs un cadre exceptionnel pour mettre en pratique leurs connaissances en écologie et agronomie. En plus de l’histoire de Grignon, sa diversité pédologique, paysagère, géologique avec le site cénozoïque de la Falunière, et botanique avec l’arboretum, est irremplaçable et doit être conservée. L’aménagement futur, quel que soit le projet retenu dans la vente en cours, devra prendre en compte la valeur inestimable du domaine de Grignon, pas seulement en termes de potentiel économique mais aussi de recherche, d’enseignement et de patrimoine.
– Quels sont les derniers développements ?
Dans le cadre du déménagement d’AgroParisTech sur le plateau de Saclay, la vente du domaine de Grignon a été votée au conseil d’administration en mars 2015, à 22 votes pour, 20 contre et 2 abstentions. Depuis, un appel d’offre a été communiqué et différents acheteurs intéressés y ont répondu; mais les conditions de la vente et les projets des acheteurs ne sont pas connus, et une forte détérioration de la valeur patrimoniale et naturelle du site est à craindre. Les étudiants déplorent l’absence de consultation de la communauté, comprenant aussi les chercheurs, le personnel et les habitants de Thiverval-Grignon quant aux conditions de vente. Ils bloquent le site de Grignon depuis le mardi 16 mars, afin de faire entendre leurs revendications. Les étudiants demandent une consultation avec le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, lui-même ancien élève de Grignon, afin d’obtenir la réévaluation des critères de vente, et leur pondération en tenant compte des aspects patrimoniaux et environnementaux.
– Pourquoi le ministère veut-il le brader ?
Le site de Grignon a été déclaré « inutile” par le ministère, c’est-à-dire que l’État considère qu’il n’a plus d’intérêt à le conserver. Le processus de vente, piloté par la direction de l’immobilier de l’État, donc le ministère de l’économie et des finances, est axé sur la rentabilité économique, or le site de Grignon, en tant que centre de formation et de recherche, n’est pas fait pour être rentable. L’aménagement du site par des promoteurs immobiliers, avec pour objectif la rentabilité, menace le patrimoine architectural et les terres naturelles et cultivées de Grignon.
– En quoi cela reflète-t-il l’orientation des politiques agricoles du gouvernement ?
Le gouvernement revendique une politique d’écologie, il mentionne l’importance de la préservation des terres, de la transition agricole. Pendant ce temps, le centre de formation des “ingénieurs d’une planète soutenable”, le lieu de France ayant la plus grande histoire en terme d’agronomie, le lieu qui pourrait devenir le symbole de la transition agroécologique et de la réflexion sur la place de l’agriculture dans le développement durable, est cédé à des promoteurs immobiliers. Il y a une dissonance tragique entre les promesses politiques et leur application à l’échelle des territoires.
–Quelles sont les conditions et les caractéristiques du nouveau site, quel est l’historique de son choix, de son développement, des conditions dans lesquelles il a été développé et en quoi est-ce tout cela compatible ou non avec la transition agricole dont on a de plus en plus besoin ?
Le site de Saclay, en construction, témoigne de la volonté de l’État de centraliser les institutions de recherche et d’enseignement, en vue d’améliorer la compétitivité à l’international1. Il y a beaucoup à dire sur l’artificialisation des terres fertiles du plateau de Saclay, mais le mouvement étudiant de Grignon n’a pas pour objectif de s’opposer au déménagement, déjà acté, de l’école. Pour opérer au mieux ce déménagement, il est toutefois essentiel qu’ AgroParisTech préserve un lien avec Grignon : à Saclay la diversité pédologique n’a rien à voir avec celle de Grignon : l’enseignement de terrain est nécessaire à la formation AgroParisTech et il serait intéressant qu’une partie des études de terrain se fasse encore à Grignon. De même, les chercheurs qui étudient à Grignon ne retrouveront pas le même cadre à Saclay ; il est nécessaire de continuer à exploiter les parcelles expérimentales sur le site de Grignon. Enfin, les logements étudiants prévus à Saclay ne sont pas suffisants, et le trajet depuis Paris avant l’arrivée de la ligne 18 est inadapté : une partie des logements de Grignon peut être conservée pour les étudiants d’AgroParisTech.
–Comment a été constitué le jury chargé de liquider la vente de Grignon ?
Parmi les douze membres du jury le seul représentant du ministère de l’Agriculture travaille au service des affaires financières. L’absence de membres ayant une formation en écologie, en agriculture et en préservation du patrimoine (le ministère de la culture n’est non plus représenté) soulève des craintes quant à la capacité du jury à prendre en compte les critères non économiques de vente. Madame Pascale Margot-Rougerie, sous directrice d’AgroParisTech, a été sélectionnée pour représenter l’institution dans le jury, mais n’a jamais proposé de consultation aux membres de la communauté AgroParisTech, aux étudiants, enseignants-chercheurs et personnel. Par conséquent, la représentativité de la communauté d’AgroParisTech dans le jury est inexistante. Les étudiants considèrent que le processus de vente a manqué de transparence, et demandent à être consultés et écoutés avant la sélection de l’acheteur. Il est regrettable que l’initiative de porter les intérêts patrimoniaux, environnementaux et pédagogiques du site de Grignon n’aie pas été prise par le ministère de l’Agriculture, mais laissée à des étudiants de première année. La composition du jury témoigne de la volonté d’imposer la prévalence des critères de vente économiques.
– Quelle expérience sont en train de vivre les étudiants qui occupent le site de Grignon ?
Depuis le début du blocage du site, le 16 mars, les étudiants votent collectivement les décisions prises par rapport à l’orientation du mouvement, et l’organisation générale. Diverses interventions de professeurs ou anciens élèves ont eu lieu, à propos de sujets aussi variés que la diversité sociale en grandes écoles, l’artificialisation des terres, l’agroécologie… Loin d’avoir pour but de mettre fin aux cours déjà proposés, l’expérience est enrichissante pour les étudiants, qui deviennent acteurs de leur propre formation. Parmi les interventions, plusieurs sorties dans le parc de Grignon ont été organisées (sortie pédologique et botanique entre autres): cela témoigne de la volonté des élèves d’avoir des cours pratiques, sur le terrain. L’agriculture ne peut pas être enseignée derrière un ordinateur, c’est une des raisons de l’importance de Grignon.2
– Que pourriez-vous nous dire au sujet de la ferme de Grignon ?
La ferme sert aujourd’hui de support à une partie de l’enseignement de terrain à AgroParisTech. Avec 140 vaches laitières, 500 brebis, une laiterie et 400 ha de terres cultivées, elle permet d’avoir une application concrète des enseignements théoriques dispensés à l’école. Plusieurs associations étudiantes sont aussi liées à la ferme ; elles organisent le recrutement d’étudiants pour les travaux de la ferme, la vente de légumes, l’élevage d’une vache pour le trophée des lycées agricoles… Ce lien entre AgroParisTech et la ferme expérimentale de Grignon est compromis dans le cadre du départ à Saclay. La ferme reste indépendante du processus de vente, mais les terres intérieures au domaine et aujourd’hui exploitées par la ferme sont vendues. Sans ces terres, la viabilité économique de la ferme est menacée. Les étudiants réclament que l’exploitation des terres à l’intérieur du domaine soit laissée à la ferme.
– Quelles sont concrètement les difficultés logistiques pour les étudiants qui iraient sur le site de Saclay ?
Pour 1500 demandes de logements annuelles dans les résidences AgroParisTech, 1000 logements sont prévus à Saclay. Étant donné que les logements sont partagés avec d’autres écoles d’ingénieur, au moins 500 étudiants parmi les moins favorisés se verront obligés de loger en région parisienne, et auront droit au trajet d’au moins 1h par le RER B. En 2018, l’annonce du report en 2027 de la ligne de métro 18 (prévue initialement pour 2024), qui permet aux élèves de faire le trajet rapidement, et était une condition nécessaire au déménagement, a provoqué un débat au conseil d’administration, mais le report du déménagement a été refusé : encore une fois la voix des étudiants n’a pas été entendue. Grignon a été pendant 200 ans le lieu qui unissait les étudiants d’APT, qui créait un esprit de promotion. Si cette unité est compromise avec le déménagement, il reste envisageable de préserver certaines des résidences de Grignon, et un système de navette permettrait un trajet plus rapide et plus fluide que celui du RER B et du bus 91-06, déjà surchargé.
– Quelles seraient idéalement les perspectives pour Grignon ?
Son histoire et la diversité de ses terres naturelles et cultivées pourraient faire de Grignon un site clé de la transition agroécologique. Les parcelles agricoles pourraient servir à expérimenter des techniques durables : agroforesterie, faible travail des sols, agriculture biologique ou de précision… Les champs de recherche possibles sont vastes. Nous vivons une période de transition dans les pratiques agricoles : il est nécessaire de penser à nouveau nos méthodes : quels intrants utiliser ? Quel rapport entre cultures et biodiversité ? Quel impact de l’agriculture sur le climat ? Et un site aussi symbolique et aussi riche en potentiel que Grignon ne devrait pas être laissé de côté. Le lieu où l’on forme depuis 200 ans les ingénieurs agronomes devrait lui aussi subir une telle transition. Grignon devrait rester un site de recherche et d’enseignement sur les thèmes de l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Là encore, les possibilités ne manquent pas : musée, centre de colloques, nouveaux laboratoires, réhabilitation des anciens bâtiments abandonnés… Les collections littéraires et de fossiles du Musée du Vivant pourraient être exploitées, ainsi que la richesse naturelle : parc, arboretum… Les étudiants d’AgroParisTech n’ont pas à supporter la dichotomie entre d’un côté ce qu’on leur enseigne : des notions de durabilité, de préoccupation environnementale, de préservation des milieux, et de l’autre ce qu’on leur impose : la vente au plus offrant de leur propre lieu de vie et de formation.
– Comment peut-on aider ?
Nous invitons ceux qui souhaitent soutenir le mouvement à signer la pétition greenvoice, à nous suivre sur les réseaux sociaux pour être tenus au courant des avancées du mouvement (twitter : @grignonstop, facebook Blocus de Grignon @blocusgrignon, instagram StopPrivatisationGrignon)3, et à en parler autant que possible, malgré plusieurs articles nous sommes encore à la recherche de couverture médiatique, notamment dans la presse écrite, à la radio et télévision.
– Quelque chose à ajouter ?
Nous remercions tous ceux qui nous soutiennent : chaque signature sur la pétition, chaque message compte. Sans le soutien des professeurs, des chercheurs, des habitants, des médias, des associations, des personnalités politiques et des particuliers, un mouvement étudiant, en plus d’être illégitime, n’a pas d’impact. C’est en étant unis que nous allons faire bouger les choses !
Pour les Ami.e.s de la Conf’, propos recueillis par Christo
1Le Classement De Shanghai. L’université Marchandisée, Hugo Harari-Kermadec, Éditions Le Bord de l’eau, 2019.
2 Voir l’enquête sur l’Enseignement agricole dans le numéro 12 du magazine Regain, ainsi que le Dossier spécial – Enseignement agricole dans Campagnes Solidaires n° 353 – septembre 2019, consultable sur le site.
3 Trouver guide, pétition, articles et liens sur la page de soutient à Grignon sur le site des Ami.e.s de la Conf’.
Deuxième témoignage par Floris Schruijer, étudiant en dernière année à AgroParisTech, en formation « Développement agricole », porteur du projet Paroles de Paysans : photoreportages sur l’agriculture : https://parolesdepaysans.wixsite.com/parolesdepaysans
Pouvez-vous expliquer en quelques mots ce que représente le site de Grignon et en quoi cela représenterait une perte inestimable pour l’agronomie en France ? Ainsi que pour les étudiants ?
Le site de Grignon représente un lieu exceptionnel pour l’apprentissage de l’agronomie et l’écologie. Le parc de près de 290 ha, composé de 140 ha de forêts et 121 ha de terres cultivables, ainsi que sa ferme expérimentale, sont autant d’éléments essentiels pour former des ingénieurs agronomes ou forestiers mais également pour potentiellement former des futurs agriculteur.trice.s. Les bâtiments d’enseignement, nombreux et de grande qualité architecturale, présentent à un réel potentiel pour la formation des étudiants mais également pour y accueillir des conférences, colloques et expositions. Certains bâtiments pourraient aussi servir de musée du vivant, de l’agroécologie ou de la forêt. Par ailleurs, les bâtiments de recherche et les labos peuvent continuer à servir à la recherche en agronomie et écologie, d’autant plus que certaines parcelles du parc sont des parcelles expérimentales depuis plusieurs années.
Enfin, le site présente actuellement des logements pour plus de 300 personnes ainsi qu’un restaurant universitaire.
Ce site, jadis ouvert au public, pourrait le redevenir et ainsi accueillir des jeunes comme des moins jeunes pour le divertissement mais aussi la sensibilisation à l’agroécologie à travers des évènements, festivals, conférences, ou encore en aménageant le site en parc pédagogique (avec des panneaux explicatifs, une exposition permanente etc.).
Concernant les étudiants, ce site historique de près de 200 ans, garantit à la fois une qualité d’enseignement et une qualité de vie pour les étudiants mais attise également la curiosité et l’intérêt de ces derniers pour les sciences du vivant. Ce site exceptionnel assure aussi une vie associative riche grâce à de nombreux sports de plein air (équitation avec le centre hippique, course à pied, etc.), des associations naturalistes, des associations musicales etc.
Ce site représente pour les étudiants un patrimoine culturel et une vie étudiante sans égal. Grignon est dans le cœur de tous les étudiant.te.s passé.e.s par là car sa vie associative, festive et la bonne ambiance qui y règnent sont inestimables.
- Comment peut-on comprendre que le ministère de l’agriculture veuille brader un tel joyau de la biodiversité, du patrimoine et de l’histoire de l’agronomie et de son enseignement en France ?
Le gouvernement, au service de ses lobbies favoris, a choisi de regrouper les sites d’AgroParisTech et ceux de nombreuses autres écoles sur le plateau de Saclay pour en faire un super campus à l’Américaine et ainsi faire rayonner à l’international la recherche Française et les institutions publiques et privées qui en dépendent. Ce campus hors sol rapproche les grandes entreprises de ces écoles pour toujours plus d’insertion de ces entreprises dans les programmes pédagogiques et pour faciliter le recrutement des étudiants sortants. Ce campus ne répond en rien aux enjeux sociaux et environnementaux et détruit la vie culturelle et « naturelle » des étudiants pour chercher un prestige à l’international, et ce, au dépend de la qualité pédagogique des écoles qui y sont ou y seront présentes.
Voilà la vision de l’éducation que porte le gouvernement. Grignon n’est plus utile alors mieux vaut le vendre et en récupérer quelque sous.
- En quoi pourrait-on dire que cela refléterait une orientation plus globale des politiques agricoles de ce gouvernement ?
Des politiques agricoles qui suivent les politiques de marché et de l’industrie des autres secteurs, sans prendre en considération l’importance du patrimoine naturel, environnemental et humain, dont l’agriculture dépend et ne peut faire fi. Ce qu’il se passe à Grignon n’est que le reflet de ces orientations dans le domaine de l’éducation. L’État pousse les étudiants à se rapprocher des grandes entreprises et à s’éloigner du terrain, des arbres, des cultures, des sols, qui sont des composantes essentielles pour comprendre un agroécosystème.
- Quelles sont les conditions et les caractéristiques du nouveau site, quel est l’historique de son choix, de son développement, des conditions dans lesquelles il a été développé et en quoi est-ce compatible ou non avec la transition agricole dont on a de plus en plus besoin ?
Le nouveau site de Saclay fait partie du programme de Sarkozy dont le but est de réaliser un super campus pour gagner des places au classement de Shanghai, classement qui ne traduit en rien la qualité pédagogique de centre universitaire mais seulement l’excellence au niveau de la recherche avec la présence de prix Nobels par exemple. Il s’agit d’un site au sud de Paris, à 1h30 en transport en commun, qui a nécessité l’artificialisation de plusieurs centaines d’hectares et qui, à l’heure actuelle ne présente aucun commerce de proximité ni de vie culturelle car loin de tout. Il s’agit d’un lieu où l’on regroupe les étudiants ingénieurs entre eux afin de les conforter dans leur situation d’élite de la nation et de les rapprocher des entreprises comme EDF déjà présents sur le site. Ce site n’est en rien compatible avec la transition agroécologique car il éloigne les étudiants de l’école du terrain et des agriculteur.trice.s.
- A priori on a eu des informations confidentielles comme quoi les participants à l’arbitrage font principalement partie du ministère des finances, et qu’il n’y a personne de celui de l’écologie ? Qu’est-ce que cela nous dit sur la façon dont tout cela est organisé, la concertation, la transparence, les différents intérêts et lobbys qui pointent derrière ?
Les membres du jury nous ont été dévoilés. Sur les 12 membres, 4 sont du ministère des finances, 2 sont experts immobiliers, 3 sont notaires, 1 représente le Grand Paris, 2 le ministère de l’agriculture dont une AgroParis Tech. Il n’y a aucun représentant du ministère de l’écologie ! Ca en dit long sur la place de l’écologie et l’agriculture dans la vente. Tout le processus de vente s’est fait dans l’opacité et sans concertation avec les étudiants, y compris de la part de la représentante d’AgroParis Tech.
Sachant que c’est ce même jury qui a décidé de la pondération des critères dans la sélection des candidats, on comprend tout de suite l’intérêt de gouvernement à favoriser un des promoteurs immobilier et récupérer une enveloppe la plus conséquente qui soit. Tout le processus de vente s’est fait dans une très grande opacité et sans concertation des étudiants de la part de Pascale Margaux Rougerie, censée nous représenter. C’est grâce au blocus que nous avons eu ces informations.
- Il semble que les étudiants impliqués dans l’occupation sont en train de vivre une expérience qui est en train de changer leur regard sur la façon dont peut se passer l’enseignement, l’implication personnelle et la participation active des étudiants dans les recherches concernant les matières et questions étudiées, même s’ils ne dénigrent nullement les cours qu’ils avaient classiquement avant et dont ils s’estiment heureux d’avoir eu droit ? En quoi cela pourrait il enrichir les pratiques dans l’enseignement agricole ? Quelle est votre vision sur cette expérience et ce qu’elle pourrait apporter ?
Depuis deux semaines s’est construit une université populaire où tous les étudiants peuvent proposer des cours/ateliers/interventions s’ils en ont l’envie, ou encore faire venir des intervenants extérieurs en décidant ensemble des sujets qui les intéressent. L’ensemble des décisions sont prises en AG à la majorité et l’implication de chaque étudiant dans le blocus apporte énormément à chacun d’entre eux. Les processus politiques, la politisation, le militantisme, mais aussi la vie en communauté, l’autogestion, la gestion des risques et des crises, sont autant de nouveautés qui font grandement grandir les étudiants. Certains imaginent déjà une éducation plus horizontale où l’étudiant s’implique davantage et donc intègre mieux les informations, mais aussi où l’étudiant et le professeur ont une place plus importante dans les choix pédagogiques, permettant de répondre de manière plus adaptée aux attentes de chacun et aux contextes actuels (agroécologie, besoin de plus de terrain, de plus de contact avec les agriculteur.trice.s et le monde de la recherche).
- En France aussi on est précipités dans les études supérieures directement après le cursus secondaire sous peine d’être désavantagé, sans pouvoir prendre du temps pour faire un tour d’horizon, mettre les mains à la pâte afin d’être sur de la filière dans laquelle on s’engage, la manière ou l’endroit. Qu’auriez-vous à dire à ce propos ?
Le blocus permet effectivement de prendre du recul sur le monde extérieur et de considérer le terrain, les autres formes de lutte, la pression faite par les décideurs politiques, les mensonges et manipulations. Comme expliqué plus haut, une éducation plus horizontale c’est aussi un contact avec le monde réel, les personnes discriminées de la société et le terrain, donc une mixage social permettant de rompre la boucle de sélection sociale des grandes écoles. Enfin, à titre d’exemple, un intervenant extérieur est venu sur le blocus faire une présentation sur la sélection sociale en grandes écoles et a intéressé de nombreux étudiants. Le blocus est un lieu de déconstruction sociale et de prise de recul.
- Le site de Grignon est aussi doté du voisinage d’une ferme expérimentale et d’études, où les étudiants font des passages réguliers au cours de la première année ? Pourriez-vous raconter comment ça se passe exactement et quel est votre rapport et vos relations à cette ferme ? La décrire aussi en quelques mots ? Sur le nouveau site de Saclay il n’y a rien de pareil, bien au contraire… En plus il semble que l’existence même de cette ferme est menacée par le projet de privatisation qui l’handicaperait d’une partie importante de ses terres agricoles ce qui mettrait gravement en danger son équilibre économique ?
Jusqu’à présent le lien entre les étudiants et la ferme expérimentale était très faible. Seulement les étudiants investis dans l’association qui vise à participer aux activités de la ferme présentaient un lien avec celle-ci. Les programmes pédagogiques ne prennent pas en compte ce potentiel. Le déménagement à Saclay marquerait un réel terme à tout contact entre étudiants et monde agricole. Mais si l’on gardait Grignon dans le monde éducatif, un réel potentiel existe pour faire vivre ensemble éducation, production et recherche pour que ces trois mondes se rencontrent et évoluent ensemble.
- Les 1A et nA sont inquiets que sur le nouveau site, en plus de toutes les autres incohérences et incongruités, rien n’est encore prêt, les logements des étudiants de 1A n’y seront pas réunis, donc certains devraient être logés ailleurs, et ils ne pourront pas vivre l’expérience d’une collectivité à la façon dont ça se passe à Grignon et donc voudraient garder la possibilité d’être logés dans leurs actuelles résidences à Grignon… Aussi le développement des transports du Grand Paris n’avance pas au même rythme que la construction du nouveau campus ce qui alourdirait énormément les trajets des étudiants, dont la plupart sera forcément obligée d’être logée beaucoup plus loin… Pourriez-vous expliquer brièvement ces aspects ?
Aujourd’hui, l’absence de la ligne 18 de métro implique qu’il faudra mettre 1h30 entre la résidence parisienne et le site de Saclay (la capacité d’accueil des étudiants étant limitée). Sans parler du temps de transport pour les profs qui doivent souvent arriver bien plus tôt que les étudiants. Le campus de Saclay annonce donc une vie étudiante hors sol, privée de la vie culturelle qu’offrait le site de Claude Bernard dans le 5ème arrondissement (musées, concerts, bars, commerces de proximité, parcs, rues, monuments, etc.) et de la vie « naturelle » et « traditionnelle » qu’offrait Grignon. Sans parler de la vie festives qui prendra une tout autre allure.
- Donc le nouveau site présente quelques avantages et surtout des inconvénients ?
Surtout des inconvénients. Les avantages sont la facilité pour le personnel et le matériel de tout centraliser et non d’avoir 3 sites différents.
- Quels seraient idéalement les perspectives pour Grignon ? Rêvons un peu. De quel type de centre a besoin l’agronomie en France? Ainsi que les étudiants ?
Grignon sera demain un pôle mondial de l’agroécologie. Des colloques internationaux auront lieu dans le château pour débattre des tenants et aboutissants de la transition. Nous formerons ici des futurs agriculteurs et agricultrices, mais aussi des agronomes, des forestiers, des ingénieurs du vivant. Ces étudiants seront formés sur le terrain. Dans le parc de Grignon, et avec la ferme expérimentale, sur les 300 ha, on y produira et y étudiera la forêt, la céréaliculture, le maraîchage, l’arboriculture, l’agroforesterie, l’élevage sous toutes leurs formes. On y étudiera également la transformation de ces matières premières grâce aux différents ateliers de transformation pour comprendre le trajet d’un aliment de la fourche à la fourchette, et cette formation se fera en lien étroit avec les agriculteurs.trices de la région. Les labos de recherche permettront aussi aux chercheurs de poursuivre leurs travaux en agroécologie et en sciences du vivant.
Grignon sera autosuffisant, et aura, pourquoi pas, son petit marché dans la cour des meules le samedi matin. Grignon sera ouvert au public pour que les habitants du coin ou les visiteurs parisiens puissent venir s’y promener et apprendre d’où vient la nourriture qui finit dans leurs assiettes. Des évènements de sensibilisation, animés par les étudiants, agriculteurs et professeurs, auront lieu toute l’année pour que le public puisse y découvrir les pratiques culturales écologiques.
En bref, Grignon sera un lieu où notre bien commun, la terre, sera rendue au peuple pour utiliser tout son potentiel afin d’éduquer, innover et sensibiliser aux enjeux agricoles, écologiques, et sociaux auxquels nous devons répondre.
- En quoi pourrait-on aider, comment pourrait-on se mobiliser et jusqu’à quand peut on signer la pétition ?
Il existe un guide pour ceux qui sont loin et veulent aider, le voici en PJ.
- Quelque chose à ajouter ?
Merci de soutenir ! On a besoin d’une mobilisation de la part de tout le monde.
Malheureusement, Grignon c’est aussi le site où les étudiants habitent et nombreux sont ceux qui ne partagent pas les mêmes motivations dans la lutte.
Le blocus n’est pas si durable que ça de l’intérieur, pourtant l’État joue la montre. Il faut donc jouer sur la médiatisation car le blocus risque de retomber bientôt…